
Pierre Ducrozet
Variations de Paul
Roman
Antoine grandit au piano, à l’ombre du chaos européen, des mélodies de Debussy aux contretemps de Thelonious Monk, et puis un soir l’amour le trouve au fond d’un bar du Vieux-Lyon, et c’est une valse qu’il joue.
Bébé miraculé, Paul, son fils au cœur funambule, étanche sa soif de couleurs à toutes les sources – jazz, rock, punk, hip-hop. Il a un superpouvoir : il voit les sons. Le voilà qui court le monde pour débusquer les moments de grâce, chasseur de cimes et d’éblouissements.
Fille de Paul, petite-fille d’Antoine, rejetonne des années 1980, Chiara, quant à elle, écoute avec la peau, métabolise avec les jambes, dans la révélation de la transe collective. Bientôt elle mixe l’héritage pour mieux le tenir à distance, croit-elle, et dilapide ses attachements.
Des pentes de la Croix-Rousse aux lignes brisées new-yorkaises, de l’underground berlinois à la grande lumière du cap Corse, Variations de Paul est une épopée du son sur trois générations, une histoire de la musique intime, sauvage, sensorielle, qui dit ses rencontres, ses fêtes et ses descentes, entre émerveillement et mélancolie. Une exploration inquiète et tendre de la transmission, l’anti-saga d’une famille d’enfants libres où l’amour (et les malentendus) circule dans toutes les tonalités.
Quel bruit fait le temps en passant ? Quel son fait un monde quand il naît, quand il meurt ? J’ai rêvé d’un personnage qui ait le don d’entendre ce qui vit derrière les musiques et les chansons, pourquoi elles naissent à ce moment-ci et dans ce lieu-là. Sur le dos de ce Paul Maleval on traverserait le xxe siècle, assistant à la naissance du rock, du hip-hop, du punk, après en avoir enjambé les premières années, modernes et jazz, aux côtés de son père, Antoine, et avant que sa fille, Chiara, ne saute à pieds joints dans l’euphorie électronique de Berlin.
Je voulais écrire l’histoire du siècle à travers ses sons, des demi-teintes de Debussy au métal froid de Joy Division, des harmonies des Beatles à la mitraille de Daft Punk. Un siècle de tonnerres et de chuchotements qui défilerait à travers le parcours de la famille de Paul, chambre d’écho et oreille géniale, qui traverse le temps comme un boulet de canon, décidé à percer ce mystère du son.
Cette histoire, c’est la mienne vécue à travers d’autres corps. C’est un autoportrait en puzzle, une autobiographie rêvée – ce qui pourrait être une définition du roman. L’histoire de ma famille réinventée, éclatée ; Paul, ses enfants, ses parents, sont tous des variations autour d’un même corps et d’un même thème. Qu’est-ce qui circule d’amour, d’héritage, de non-dits et de passion entre les membres d’une famille ? Comment continuer à avancer avec les poids que l’on traîne de si loin, sans même le savoir ?
La musique m’accompagne depuis que je suis né, elle me porte, elle me traverse. Mon père lui a consacré sa vie, et moi je n’aspire à rien d’autre qu’à pianoter entre les lignes. Alors j’ai voulu écrire un roman sur une famille et sur le Velvet Underground, ma ville natale et New York, Thelonious Monk et les rave-parties. Tous ces mondes, je les ai soit vécus, soit rêvés à travers la musique, cette inlassable monture. Je voulais plonger dans le xxe siècle et le début du xxie pour les réécrire à l’envers, en faire une contre-histoire des éclopés, des assoiffés, notre bal des ardents à nous. Remonter aussi le cours de la transmission, de nos élans et de nos trous, que les notes ne cessent d’amplifier. Et écrire en définitive, autant que possible, un hymne à la joie.’’
– Pierre Ducrozet
A propos de l’auteur
Pierre Ducrozet
Né en 1982, Pierre Ducrozet est notamment l’auteur de Eroica (Grasset, 2015 ; Babel n° 1525), L’invention des corps (Actes Sud, 2017 ; Babel n° 1617, prix de Flore), et Le grand vertige (Actes Sud, 2020 ; Babel n° 1827, prix Mottart de l’Académie française).
Variations de Paul est son sixième roman.