Lyonel Trouillot
Veilleuse du calvaire
Roman
Ce livre est celui d’un paysage de pierres, de rivières et d’ombrages, celui d’une colline abîmée par la cupidité d’un homme, un notaire sans scrupule qui en ces lieux ouvre la porte à toutes les bassesses. Mais de cette colline s’élève une voix, celle de la rébellion des femmes dont le corps est la cible de toutes les offenses, dont le courage a la puissance du poème.
Choisir une voix de femme. Ou des voix de femmes. Ou une voix Des femmes. Comme une sorte d’instance inscrite dans la permanence ou le tracé d’une histoire de souffrances et de résistance, de domination et de libération. Conscience donc d’un devoir de veille qui, dans son expression, tient à la fois du récit et de la harangue, du rappel de ce qui s’est passé, se passe, se passera dans tel lieu (ici, le lieu-dit du Calvaire) et de ce que moi, femme, toi, femme nous en disons, et de ce que nous pouvons en faire. Que faisons-nous de ce qu’on a fait de nous ou de ce qu’on a voulu nous faire ou faire de nous ? Veilleuse donc, comme gardienne de la mémoire, mais d’une mémoire « qui va de l’avant ».
Confronter aussi deux manières de raconter. La reconstitution par qui rapporte des événements qu’il n’a pas lui-même vécus. La parole de qui a vu, vécu, senti, souffert. Creuser l’écart entre ces deux lieux, sans oublier qu’ils tendent des pièges au lecteur ainsi embarqué et amené à oublier que la construction romanesque est toujours un jeu qui ne se révèle qu’au fil de la lecture.
Rendre aussi hommage au réalisme merveilleux, dialoguer avec cette tradition dans ce qu’elle conserve de vivant en intégrant la perception de la réalité comme élément du réel et en donnant au texte une valeur quasi transformatrice.
Une colline. Comme un microcosme. Son passage de l’état de nature à l’état social. Illustrer la puissance destructrice de telles façons d’habiter et d’imposer les rapports humains. Suivre sur une longue période la conjonction de la domination du puissant et du mâle et la résistance portée par une voix ou un concert de voix féminines. Violence du pouvoir politique, des procédures d’accumulation, des agents et des actes de répression sur les corps, le rêve et, en contre, la solidarité, la gratuité, le métier utile, la liberté de sentir, d’aimer et l’élan poétique, un langage comme un chemin « de mon coeur à d’autres coeurs, de mes montagnes à d’autres montagnes ».
– Lyonel Trouillot
A propos de l’auteur
Lyonel Trouillot
Romancier et poète, intellectuel engagé, acteur passionné de la scène francophone mondiale, Lyonel Trouillot est né en 1956 dans la capitale haïtienne, Port-au-Prince, où il vit toujours aujourd’hui. Il est journaliste et professeur de littératures française et créole.
Il dirige depuis plusieurs années une atelier d’écriture intitulé L’Atelier du jeudi.
Toute l’œuvre romanesque de Lyonel Trouillot est publiée chez Actes Sud. Veilleuse du Calvaire est son dernier roman.
© Marc Melki