
Laurent Gaudé
Chien 51
Roman
Autrefois, Zem Sparak fut, dans sa Grèce natale, un étudiant engagé, un militant de la liberté. Mais le pays, en faillite, a fini par être vendu au plus offrant, malgré l’insurrection. Et dans le sang de la répression massive qui s’est abattue sur le peuple révolté, Zem Sparak, fidèle à la promesse de toujours faire passer la vie avant la politique, a trahi. Au prix de sa honte et d’un adieu à sa nation, il s’est engagé comme supplétif à la sécurité dans la mégalopole du futur. Désormais il y est “chien” – c’est-à-dire flic – et il opère dans la zone 3, la plus misérable, la plus polluée de cette Cité régie par GoldTex, fleuron d’un post-libéralisme hyperconnecté et coercitif. Mais au détour d’une enquête le passé va venir à sa rencontre.
Chien 51 est un projet auquel je pense depuis de nombreuses années. La pandémie et les confinements successifs ont accéléré sa genèse. Parce que soudainement, la dystopie s’est invitée dans notre aujourd’hui.
Étonnamment, j’ai retrouvé dans l’écriture de ce roman d’anticipation le même plaisir que pour La Mort du roi Tsongor. Laisser mon imagination se déployer, inventer un univers, avec son histoire, ses règles, ses aspirations et ses dysfonctionnements. Et puis surtout, interroger notre monde, par ricochet. Chien 51, c’est une version possible de demain. Un reflet grimaçant de notre visage.
Dès le début de l’histoire, le sang a été versé. La trame policière interroge la tragédie par l’autre bout de la chronologie. Il ne s’agit plus d’essayer vainement d’échapper à son sort comme le font les héros tragiques, mais de remonter le fil de ce qui a mené au meurtre. Au fond, je crois que j’ai écrit sur la mémoire. Le personnage de Zem Sparak est un homme qui porte en lui des mondes disparus. C’est un sentiment qui m’envahit de plus en plus : l’impression croissante, alors que j’avance en âge, de porter en moi des mondes qui n’existent plus. Est-ce que nous ne sommes pas tous, un jour ou l’autre, des animaux antiques perdus dans une société qui va trop vite ?
Chien 51 est un livre sombre, noir, mais il y a en son cœur un point de lumière : celui de la transmission. Le personnage fatigué de Zem Sparak rencontre une jeune femme sans mémoire, Salia Malberg, à qui il va confier le soin de se souvenir. Au moment où lui quitte le monde avec soulagement, elle commence à le comprendre avec douleur. C’est ce qui se joue pour moi dans le livre : la possibilité d’une passation et donc l’expression d’une humanité.”
– Laurent Gaudé
A propos de l’auteur
Laurent Gaudé
Romancier, nouvelliste et dramaturge né en 1972, Laurent Gaudé publie son œuvre, traduite dans le monde entier, chez Actes Sud. Il est notamment l’auteur de La Mort du roi Tsongor (2002, prix Goncourt des lycéens, prix des Libraires), Le Soleil des Scorta (2004, prix Goncourt, prix Jean-Giono), Eldorado (2006), Écoutez nos défaites (2016) et Salina. Les trois exils (2018).