Justine Augier

Personne morale

Récit

Dans la Syrie en guerre, le cimentier Lafarge, fleuron de l’industrie française, aurait maintenu coûte que coûte l’activité de son usine de Jalabiya jusqu’en septembre 2014. Interrogeant la réalité de ce “coûte que coûte”, Justine Augier documente le travail acharné d’une poignée de jeunes femmes – avocates, juristes, stagiaires – qui veulent croire en la justice, consacrent leur intelligence et leur inventivité à rendre tangible la notion de responsabilité. Leur objectif marque un tournant dans la lutte contre l’impunité de ces groupes superpuissants : faire vivre et répondre de ses actes cette “personne morale” qu’est l’entreprise, au-delà de ses dirigeants, pour atteindre un système où l’obsession du profit, la fuite en avant et la mise à distance rendent possible l’impensable.

Parution le 4 septembre 2024 / 13,5 × 22,3 / 304 pages
ISBN 978-2-330-19591-5 / Disponible en livre numérique
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L’entreprise Lafarge et ses dirigeants auraient financé Daech et mis en danger leurs employés syriens quand ils avaient mis à l’abri leurs ­salariés expatriés, pour continuer d’exploiter une cimenterie en Syrie alors que la guerre y sévissait. Cette histoire nous renvoie une certaine image de notre monde, en fait saillir plusieurs traits : le cynisme, le mépris de certaines vies, l’obsession destructrice du profit, le ­renoncement aux principes quand il s’agit d’œuvrer dans des pays « lointains », une vision étroite de la responsabilité nourrie d’une longue impunité, une langue défaite, devenue incapable de penser la gravité de ce qui advient.

Cette affaire a produit de nombreux récits et j’ai voulu en arpenter une face méconnue, ­raconter comment un petit nombre de femmes, juristes et avocates, tentent d’obtenir justice. Avec des moyens dérisoires, elles ont révélé les faits, enquêté, porté plainte et continuent, dans l’attente d’un procès dont la perspective ne cesse de reculer, de défier les forces considérables déployées par les plus grands cabinets d’avocats d’affaires.

Elles confrontent les grandes entreprises à leurs responsabilités, luttent pour l’égalité ­devant la loi et dévoilent des manières de faire, collectives, inventives, pleines de considération pour des souffrances trop souvent laissées dans l’ombre, pleines de l’envie que le droit devienne plus juste, pleines d’attention pour les mots, dont elles sont persuadées qu’ils peuvent convaincre et bouleverser la donne.

La littérature travaille le temps, relie les êtres et les lieux, entretient un lien profond avec ces affaires de responsabilité. Elle sait prendre soin des lueurs repérées, desserrer un peu le sentiment d’impuissance qui souvent étreint et fige, transmettre avec précaution ces éclats qui ont le pouvoir de relancer l’imagination, de raviver notre désir de possible ; alors je m’approche de ces femmes à la tâche qui ne renoncent pas, attisant pour nous et sans relâche leur rêve de justice.

– Justine Augier –

A propos de l’autrice

Justine Augier

Chez Actes Sud, Justine Augier a publié Jérusalem (2013), Les Idées noires (2015), De l’ardeur (2017, prix Renaudot Essai), Par une espèce de miracle (2021) et Croire, Sur les pouvoirs de la littérature (2023, prix de L’Héroïne Madame Figaro).

© Jean-Luc Bertini

Bibliographie

Jérusalem

mai, 2013

De l’ardeur

août, 2019

Par une espèce de miracle

janvier, 2021

Croire

janvier, 2023

Les idées noires

avril, 2015

Nous sommes tout un monde

mai, 2021

La vie étonnante d’Ellis Spencer

avril, 2014

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