Jérôme Ferrari
Nord Sentinelle
Roman
Pour une bouteille introduite illicitement dans son restaurant, le jeune Alexandre Romani poignarde Alban Genevey au milieu d’une foule de touristes massés sur un port corse. Alban, dont les parents possèdent une résidence secondaire sur l’île, connaît son agresseur depuis l’enfance.
À partir de cet événement, le narrateur remonte la ligne de vie des protagonistes et dessine, non sans humour, les contours d’une dynastie de médiocres contaminée par une violence érigée en vertu.
Sur un fil tragi-comique, dans une langue vibrante aux accents corrosifs, Jérôme Ferrari retrouve l’un de ses thèmes phares, la violence, et entame une réflexion nourrie sur ce qui lie exploration, colonisation et tourisme. Sur ce qui, dès le premier pas posé sur le rivage, corrompt la terre et le cœur des hommes.
Parution le 21 août 2024 / 13,5 × 22,3 / 144 pages
ISBN 978-2-330-19441-3 / Disponible en livre numérique et audio numérique
Les idées de roman ont parfois la fâcheuse habitude de se présenter d’abord de manière trop théorique et abstraite pour être immédiatement fécondes. Il y a quelques années, j’ai formé le projet d’écrire sur les différents aspects que peut prendre l’altérité, plus précisément dans notre relation à ce qui nous est étranger. Nord Sentinelle, dont l’histoire se déroule sur fond de tourisme de masse, est donc conçu comme l’ouverture d’un triptyque dont les deux prochains volets traiteront de l’exploration, autour de la figure du capitaine Richard Francis Burton, et de l’expatriation – puisque, comme chacun sait, les Européens aisés, dont je suis, ne s’abaissent pas à immigrer. Si le tourisme apparaît effectivement comme un thème abstrait, ses effets, en revanche, ne le sont pas en ce qu’il transforme intimement aussi bien ceux qui le pratiquent que ceux qui, pour le meilleur et pour le pire, en vivent. Le narrateur de ce roman n’aime pas les touristes. Il ne les aime pas au point de juger fort raisonnable la politique des insulaires de North Sentinel, laquelle consiste à massacrer systématiquement tous les voyageurs qui s’aventurent sur leurs rivages. On peut imaginer que cette détestation se nourrit de rancœurs plus douloureusement personnelles – un amour tenace et inavoué, l’ambivalence d’amitiés pleines d’un mépris jaloux, l’impossibilité définitive d’être autre chose que soi-même. Si j’espère que l’unité du texte ne fera pas de doute aux yeux du lecteur, j’aimerais aussi qu’il puisse être lu comme un recueil de ces contes auxquels il emprunte leur ton et leurs tournures narratives, contes où le merveilleux peut toujours naître du quotidien le plus banal au point qu’il faille s’attendre, en effleurant la plus insignifiante des lampes, à voir surgir un très-puissant Djinn.
– Jérôme Ferrari –
A propos de l’auteur
Jérôme Ferrari
Né à Paris en 1968, Jérôme Ferrari enseigne la philosophie en Corse. Il a reçu le prix Goncourt en 2012 pour Le Sermon sur la chute de Rome. Toute son œuvre est publiée aux éditions Actes Sud. Son précédent roman, À son image, a reçu le prix Le Monde 2018 et le prix Méditerranée la même année.