Daniel Arsand

Moi qui ai souri le premier

Roman

Quelque part dans ce texte, Daniel Arsand écrit : “Il n’est pas en moi que des orages, il n’est pas en moi que des ruines.” Et pourtant, on peut lire Moi qui ai souri le premier comme une visite privée de ces orages et de ces ruines laissés en lui par trois rencontres déterminantes, trois souvenirs d’adolescence qui sont aussi des possibles trahis, qui signent, plus encore que la fin de l’innocence, la fin prématurée des promesses.

Débusquer la lumière, la force, la beauté au-delà du saccage – c’est sur le terrain du langage réinventé que s’érige, entre résistance têtue, secret livré et liberté farouche, ce bref livre éblouissant.

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Il y a près de deux décennies j’ai publié un récit où je clamais que j’étais encore puceau à vingt ans et des poussières. Quelle inventivité possède le déni ! Mensonge par lequel je baissais le rideau de fer sur un viol, une disparition (vécue comme un abandon), un passage à tabac (évoqué, lui, mais falsifié, comme désexualisé) qui fracturèrent mon adolescence et me hantent pour toujours.

Il y a moins longtemps que cela, j’ai entrepris un roman sur les massacres d’Adana (1909) qui préfiguraient le génocide arménien. Je tentais par des mots et des histoires de dialoguer avec le silence que garda mon père, Hagop Arslandjian, sur ce qu’il avait vécu. Brusquement j’en interrompis la rédaction, la suspendis pour quelques semaines. Le silence paternel venait de me renvoyer, violemment et sans échappatoire, à celui que j’observais sur ce que j’avais vécu à quatorze, quinze ans. J’écrivis d’un jet un viol, une disparition et un passage à tabac. Je me crus en règle avec moi-même et remisai les pages dans un tiroir.

Et puis j’écrivis la renaissance d’un « triangle rose » après Buchenwald.

Et puis j’appris, désespéré et découragé, qu’en Tchétchénie on internait les pédés dans un camp où ils étaient torturés, liquidés, et si on les libérait c’était pour que les familles prennent le relais d’une destruction. Durant des mois et des mois, je ne sus plus comment écrire une histoire, ce qu’était simplement écrire. Un jour, enfin, j’ai ressorti d’un certain tiroir un certain texte que je me mis à retravailler dans ma bienfaitrice solitude, essayant de l’intensifier, et je regardai en face ce qui avait été. Et je dis ce que j’avais à dire.”

– Daniel Arsand

A propos de l’auteur

Daniel Arsand

Éditeur et écrivain, Daniel Arsand est l’auteur d’une douzaine d’ouvrages dont notamment La Province des Ténèbres (Phébus, 1998, et Libretto, prix Femina du premier roman), En silence (Phébus, 2000, et  Libretto, prix du jury Jean-Giono), Ivresse du fils (Stock, 2004), Un mois d’avril à Adana (Flammarion, 2011, prix Chapitre du roman européen) et, le plus récent, Je suis en vie et tu ne m’entends pas (prix Jean-d’Heurs du roman historique, prix littéraire des Genêts, prix du Roman gay), paru aux éditions  Actes Sud en 2016.

Bibliographie

Je suis en vie

et tu ne m’entends pas

février, 2018

Des amants

février, 2017

Je suis en vie

et tu ne m’entends pas

mars, 2016

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